Tag Archives: Saint-Pierre de Rome

Misericordiae Vultus : le Visage de la Miséricorde

Homélie

Promulgation de la Bulle d’indiction du Jubilé extraordinaire : la Croix et la lumière du cierge pascal que rien ne peut éteindre.

« Simplement parce que l’Église, en ce moment de grands changements d’époque, est appelée à offrir plus fortement les signes de la présence et de la proximité de Dieu. »

Après avoir entendu le P. Leonardo Sapienza, régent de la préfecture de la Maison pontificale, présenter devant la porte sainte de la basilique Saint-Pierre, fermée, la Bulle d’indiction du Jubilé extraordinaire de la Miséricorde,  le pape François a présidé la célébration des premières vêpres du dimanche de la Divine Miséricorde.

Certes, la bulle d’indiction d’un Jubilé est un document qui en donne l’axe principal, mais il était aujourd’hui impossible de ne pas être frappé par la conjonction unique d’éléments particuliers dans la promulgation de cette Année sainte : tout d’abord, elle vient au moment où le pape dénonce sur tous les tons, à temps et à contre-temps, l’indifférence du monde devant le malheur des populations déplacées et des persécutions à grande échelle, notamment celles qui frappent les chrétiens. L’homélie de cette après-midi s’en est encore fait l’écho avec force, évoquant les populations qui subissent « la violence inouïe de la discrimination et de la mort », simplement en raison de leur foi.

Ensuite, comment ne pas être frappé par la conjonction entre l’axe essentiel de ce jubilé extraordinaire et ce que laissent apparaître les gestes et les paroles du Saint Père depuis maintenant plus de deux ans : certes, c’est véritablement un homme de compassion et de miséricorde qui a été appelé par le Seigneur à prendre la suite de Pierre : comment alors ne pas ressentir que c’est Dieu lui-même qui veut ce moment pour son Église tout entière ?

Cependant, il faut aussi relever une autre conjonction : a-t-on suffisamment noté que ce jubilé exceptionnel recouvre aussi en partie l’année de la Vie consacrée ? C’est un don extraordinaire à celle-ci parce que, si elle est fidèle à sa mission, elle devrait en être le premier bénéficiaire. N’est-elle pas en effet appelée à être aux avant-postes quand il s’agit d’offrir plus fortement les signes de la présence et de la proximité de Dieu ? Avec cette conjonction, François lui offre les moyens de se renouveler en profondeur dans ce qui est sa raison d’être. En même temps que l’Église affirme que la vie consacrée est, de plus en plus, appelée à être en sortie pour vivre pleinement ce qu’elle est, elle lui donne les moyens de le vivre et de témoigner auprès de jeunes généreux qui voudraient donner leur vie à Dieu qu’il est possible d’avoir une vraie fécondité.

Présentation de Jésus au Temple, 2 février 2015 à Rome

Fête de la Présentation de Jésus au Temple à Rome
1997 : Jean Paul II au Brésil

Jean Paul II en 1997

C’est en 1997 que le pape Jean Paul II inaugurait la première Journée de la vie consacrée. Dans le message qu’il écrivait pour l’occasion, il fixait trois objectifs : remercier le Seigneur pour le grand don de la vie consacrée, qui enrichit et réjouit l’Église, mieux faire connaître et apprécier la vie consacrée au peuple de Dieu tout entier. Enfin, inviter les personnes consacrées à célébrer ensemble et solennellement les merveilles que le Seigneur a accomplies en elle. En fait, cette journée devait développer une magnifique action de grâce.

Ce 2 février, alors que le pape François s’est déjà largement exprimé sur le sens de cette journée, prononçant l’homélie devant des milliers de personnes consacrées – prêtres, religieux et religieux ou laïques –, c’est un texte très personnel qu’il a délivré. Partant de la contemplation de Marie qui marche avec l’Enfant-Jésus dans les bras, lui qu’elle introduit dans le Temple, le portant ainsi à la rencontre de son peuple, François contemple la Vierge qui marche, mais aussi et surtout, le Fils qui marche devant elle. « Elle le porte, mais c’est Lui qui la porte ».

Avec l’homélie, tous ceux qui sont à Saint-Pierre entrent eux aussi dans le mystère de la vie consacrée : la suite du Christ… mais en se laissant conduire, ou plutôt porter par Lui. Il faut sans doute être entré déjà soi-même sur ce chemin pour accepter d’entendre le renversement constant qui est souligné. À la suite de Jésus, il s’agit de se mettre sur le chemin de l’obéissance, imitant le Seigneur qui, en faisant sienne la volonté du Père, s’abaisse jusqu’à l’anéantissement. Il est rappelé que, sur ce chemin, progresser signifie, comme Jésus, s’abaisser dans le service. Alors, fruit de la docilité et de l’obéissance, le Seigneur transforme celle-ci en sagesse. C’est la route suivie par Syméon et Anne et qui fait paradoxalement de ces deux Anciens des créatifs, créatifs dans la joie et la sagesse.

Ce 2 février, le même pontife qui appelle si souvent à un aggiornamento de la vie consacrée et qui rappelle ici que tout véritable aggiornamento « est oeuvre de la sagesse, façonnée dans la docilité et l’obéissance ». Et François ajoute que nous touchons ici à la différence entre le consécration et sa caricature: « une sequela sans renoncement, une prière sans rencontre, une vie fraternelle sans communion, une obéissance sans confiance et une charité sans transcendance ». C’est paradoxal ? Oui, mais tous ceux qui étaient lundi à Rome sentaient que ce paradoxe est celui qu’appelle toute suite authentique du Christ.