L’Année de la vie consacrée ? Un chemin!

À regarder ou à écouter ce que nous proposent les médias – avec Internet – ou ce qui se vit dans les diocèses, on constate une floraison d’événements où l’accent est mis sur la rencontre, notamment entre les diverses vocations. Cependant, il ne faudrait pas oublier que cette année a été voulue comme un temps de renouveau pour chaque personne consacrée, au plan individuel comme au plan communautaire. Dans la lettre apostolique qu’il leur adressait pour le début de l’Année, le pape François formulait le programme très clairement : « J’attends que toute forme de vie consacrée s’interroge sur ce que Dieu et l’humanité d’aujourd’hui demandent. » Cette année est donc un temps privilégié de réflexion pour se remettre face à l’appel du Seigneur et aux appels de nos frères et soeurs en humanité.
La CIVCSVA, la Congrégation pour les Instituts de vie consacrée et les Sociétés de vie apostolique, a voulu aider les personnes consacrées à ce travail de réflexion. Elle entend donc leur adresser tout au long de l’année des Lettres circulaires qui stimulent la réflexion et interrogent chacun sur tous les aspects de vocation. Deux ont déjà été publiées sous les signatures du cardinal João Braz de Aviz, préfet de la Congrégation, et de l’archevêque José Rodríguez Carballo, son secrétaire. Parues dès avant le début de l’Année de la vie consacrée, elles devaient permettre de disposer immédiatement d’outils pour le travail de réflexion.
Rallegratevi, Réjouissez-vous,.. , la première lettre circulaire, pour initier la réflexion, remettait chaque personne consacrée devant ce que le pape François considère comme signe particulier de la vie consacrée : la joie. La conviction de départ de François est que c’est la joie des consacrés qui réveillera le monde. Cela n’étonne pas de la part de celui qui a nommé Evangelii gaudium sa première grande exhortation apostolique.
Après une « écoute » des paroles de l’Écriture qui expriment la joie et sa conséquence qu’est la consolation, Rallegratevi présente un florilège de paroles du Saint Père portant toutes sur elle, puisque outre Evangelii gaudium, plus de deux douzaines d’interventions à ce sujet sont citées. À travers elles, le but de la lettre, clairement énoncé dans l’introduction est d’inciter chacun, personnellement et en institut, à travers « une confrontation loyale entre Évangile et Vie » à « oser les décisions évangéliques qui porteront des fruits de renaissance et seront source de joie. » Tout l’itinéraire de la lettre sera de réveiller la joie pour conduire à la porter au monde.
« La joie n’est pas un ornement inutile, elle est exigence et fondement de la vie humaine. »
« Nous ne sommes pas appelés à accomplir des gestes épiques, ni à proclamer des paroles retentissantes mais à témoigner de la joie qui vient de la certitude de se sentir aimés, de la confiance d’être sauvés. »
« Nous sommes appelés à porter à tous l’étreinte de Dieu, qui se penchez vers nous avec la tendresse d’une mère : consacrés, …, courbés dans un geste de consolation.
Scrutate, Scrutez, veillez, la seconde lettre circulaire, ne semble hélas toujours pas encore traduite en français alors qu’elle fut présentée le 15 octobre 2014. Nous reviendrons largement sur ce texte, non seulement stimulant et incisif, mais parfois de toute beauté. À partir de deux « icones » bibliques, l’Exode et le prophète Elie, elle met l’accent sur trois notes de la vie consacrée : la vigilance, la prophétie et l’intercession. Il s’agit de « scruter les horizons de notre vie et de notre temps en restant en alerte, de scruter la nuit pour reconnaître le feu qui illumine et qui guide, de scruter le ciel pour reconnaître les signes porteurs de bénédictions pour nos aridités. Il s’agit de veiller et d’intercéder, solides dans la foi ». (introduction)
La lettre circulaire interroge tout autant les instituts que les personnes individuelles, les invitant à revoir tous les aspects de leur vie en se demandant s’ils permettent de répondre à leur vocation dont la règle suprême est l’Évangile. Le langage de Scrutate n’est pas langue de bois. Un seul exemple ici : le début des paragraphes dédiés à la formation (§ 9), qui demandent à tous les responsables d’Instituts de d’interroger loyalement leurs pratiques
Former à l’Évangile et à ses exigences est un impératif. Dans une telle perspective, nous sommes invités à accomplir une révision spécifique du programme de formation qui accompagne les consacrés et spécialement les consacrées sur leur chemin de vie. La formation spirituelle a un caractère d’urgence, trop souvent presque uniquement limitée à un un accompagnement psychologique ou à des exercices standardisés de piété.
La pauvreté répétitive de contenus vagues bloque les candidats à des niveaux de développement humain infantiles et dépendants. La riche diversité des chemins suivis et proposés par les auteurs spirituels reste presque inconnue à la lecture directe ou n’est évoquée que par fragments. Il est indispensable de veiller à ce que le patrimoine des Instituts ne soit pas réduit à des schémas hâtifs, éloignés de la charge vitale de leurs origines, parce que cela n’introduit pas à l’expérience chrétienne et charismatique de façon appropriée.
C’est exigeant ? Oui, mais à travers des pages de toute beauté scrutant la figure du prophète Elie et la forme de « dépression morale » dont il a pu lui aussi souffrir – avec tout ce qu’elle peut nous enseigner -, il reste de ce document une impression de très grande humanité et proximité des auteurs. Nous y reviendrons, mais il est bien dommage qu’on ne puisse le lire actuellement qu’en italien *.
* Plusieurs sites proposent de télécharger Scrutate en italien. Vous pouvez le lire en ligne sur le site de la Conférence mondiale des instituts séculiers ou sur Vidimus Dominum. Vous pouvez aussi l’y télécharger sur cette page, mais de nombreux ordres le rendent disponible sur leurs sites.