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Introduisez dans le monde la logique de Dieu

Le dome de Saint Pierre - CC.

Le Vatican vient de rendre publique la lettre envoyée par le Cardinal Secrétaire d’État Pietro Parolin de la part du Saint Père à Nadège Vedie, présidente de la Conférence mondiale des Instituts séculiers à l’occasion de son Assemblée générale.

La lettre commence en citant abondamment la vision des Instituts séculiers développée par Paul VI dans son discours aux participants du Congrès international des Instituts séculiers en septembre 1972. Si l’intuition de Paul VI est réellement prophétique, le cardinal Parolin en vient à ce qu’on pourrait appeler à direction dans laquelle les Instituts séculiers sont aujourd’hui appelés à travailler à l’actualité de leur vocation. À travers l’écriture même de la lettre*, on sent que l’orientation donnée par le cardinal Secrétaire d’État – et la fin de la lettre dire qu’il s’agit des réflexions et exhortations que le Saint Père le charge de transmettre – est déjà l’expression, le fruit d’un discernement dont il s’agit de tirer maintenant toutes les conséquences.

Aujourd’hui il est demandé aux Instituts séculiers une synthèse renouvelée, fixant toujours le regard sur Jésus et étant en même temps immergés dans la vie du monde. Faire la synthèse entre consécration et sécularité signifie avant tout tenir ensemble les deux aspects, sans jamais les séparer. Cela signifie aussi les combiner, non les superposer : en effet, la superposition porterait à vivre de manière formaliste, porterait à observer diverses pratiques sans que cela ne comporte de changement dans la manière de vivre les relations avec les frères et avec le monde. Enfin, faire la synthèse signifie aussi qu’on ne doit pas subordonner un élément à l’autre: sécularité et consécration doivent marcher ensemble ; l’une a besoin de l’autre. Vous n’êtes pas d’abord laïcs puis consacrés, mais pas davantage d’abord consacrés puis laïcs, vous êtes en même temps laïcs et consacrés. Et de cela découle aussi une autre conséquence très importante : il faut un discernement continu, qui puisse aider à opérer l’équilibre ; une attitude qui aide à trouver Dieu en toutes choses.»

* Note: le choix de souligner des termes est de l’auteur de la lettre.

Cardinal Pietro Parolin

Le Secrétaire d’État : homme des missions difficiles

Immédiatement après avoir exprimé l’exigence qui doit s’imposer aux instituts séculiers aujourd’hui, le cardinal Parolin en tirera la conséquence pour la formation des membres d’Instituts séculiers.

Cependant, c’est peut-être ensuite que se situe l’essentiel du texte avec ce qui ouvre à une lecture théologique de la vocation. Il est dommage que cette lettre ne soit aujourd’hui diffusée qu’en italien. C’est pourquoi, il nous paraît important de donner la traduction des paragraphes qui suivent.

« L’engagement dans le sécularité se déploie avec un souffle ample, sur de vastes horizons. Il faut par conséquent une attention continue aux signes des temps : l’histoire doit être lue, comprise et interprétée, et il faut s’insérer en elle de façon constructive et féconde, pour laisser une empreinte évangélique, contribuant – selon la diversité des responsabilités – à l’orienter vers le Règne de Dieu. C’est pourquoi cette vocation comporte une tension constante pour opérer une synthèse entre l’amour de Dieu et l’amour pour les hommes en vivant une spiritualité capable de conjuguer les critères qui viennent « d’en haut », de la grâce de Dieu, et les critères qui viennent « d’en bas », de l’histoire humaine. La croissance dans l’amour Dieu conduit inévitablement à une croissance dans l’amour pour le monde, et vice-versa.

« Guidés pas l’Esprit Saint dans vos actions, introduisez dans le monde la logique de Dieu, contribuant à réaliser cette humanité nouvelle qu’Il veut. C’est Dieu qui opère la synthèse entre sécularité et consécration. Grâce à Lui, on peut exercer une prophétie qui implique discernement et créativité suscités par l’Esprit. Le discernement comme effort de comprendre, d’interpréter les signes des temps en acceptant la complexité, la fragmentarité et la précarité de notre temps. La créativité comme capacité d’imaginer des solutions neuves, d’inventer des réponses inédites et plus appropriées aux situations nouvelles qui se présentent. Se faire compagnons de l’humanité en chemin est pour vous une réalité théologique. La recherche du dialogue et de la rencontre, qui vous demande de vous faire hommes et femmes de communion dans le monde en est une part essentielle.

« Vous êtes donc appelés en Christ à être signes et instruments de l’amour de Dieu dans le monde, signes visibles d’un amour invisible qui envahit tout et veut tout racheter pour reconduire toute chose à la communion trinitaire, origine et achèvement ultime du monde.­»*

* Traduction de l’ISFCJ

Cette lettre importante pourrait se terminer avec la synthèse sur deux nécessités pour vivre la vocation qui vient d’être esquissée : l’urgence de prendre soin de la vie de prière, l’urgence de vivre l’amour fraternel.

Cependant, on ne peut rendre compte de ce texte sans remarquer ce qui semble être une prise en compte nouvelle de diversités. Deux exemples :

  • à partir de l’exigence de vivre l’amour fraternel: le cardinal Parolin prend en compte toutes les manières de vivre notre vocation, ainsi le fait de vivre «  »dans les situations ordinaires du monde, seuls, en famille, en groupes de vie fraternelle, selon les Constitutions propres « .
  • le cardinal essaie de décrire ce qui différencie prêtres et laïcs membres d’Instituts séculiers, donc ayant pour ainsi dire une vocation commune : le rapport au monde. Ce souci est si rare qu’il faut peut-être l’appeler une nouveauté. Nul doute que là aussi une voie de recherche soit ouverte.

En bref, ce texte invite à un travail de recherche passionnant sur ce qui pourrait bien être une des vocations phares du XXIe siècle. Espérons la traduction intégrale de ce texte.

Télécharger sur: http://www.vatican.va/roman_curia/secretariat_state/parolin/2016/index-parolin-2016_it.html

 

Discernement : le flair du surnaturel

JMJ 2016 à Cracovie

Le texte intégral du message du Saint Père aux Instituts séculiers n’a pas encore été rendu public, cependant, les médias n’y ont pas fait écho de la même manière dans les différentes langues, chacun choisissant de se focaliser plus particulièrement sur l’un ou l’autre élément. Dans ce contexte, une précision de Radio Vatican à l’intention de son auditoire italien nous paraît éclairante pour la vocation des membres d’Instituts séculiers. Radio Vatican cite le pape :

« Vous n’êtes pas d’abord laïcs puis consacrés, mais pas davantage d’abord consacrés puis laïcs, vous êtes en même temps laïcs et consacrés. » Et de cela « découle aussi une autre conséquence très importante  : il faut un discernement continu, qui puisse aider à opérer l’équilibre ; une attitude qui aide à trouver Dieu en toutes choses. »

2013 : Papa Francesco (by Christoph Wagener, CC 3.0)

Attentif (by Christoph Wagener, CC 3.0)

Comment ne pas relever que cet appel survient alors que le Saint Père vient juste de développer la nécessité du discernement – et ce qu’il entend par là – dans sa rencontre avec les jésuites polonais du 30 juillet dernier, en marge de son déplacement pour les JMJ de Cracovie. Interrogé sur un conseil à donner aux jeunes jésuites ordonnés, il les invite à partager, notamment avec les séminaristes, le trésor qu’est la sagesse du discernement, reçu dans les Exercices de saint Ignace. Pour François, elle est ce dont les prêtres ont le plus besoin aujourd’hui dans leur mission pastorale pour être réellement en capacité d’aider les fidèles dans leur vie concrète.

Dans la vie, tout n’est pas noir sur blanc ou blanc sur noir. Non ! Dans la vie, ce qui prévaut, ce sont les nuances du gris. Il faut alors enseigner à discerner dans ce gris.

« Aujourd’hui, l’Église a besoin de croître dans le discernement, dans la capacité de discerner« . C’est tellement la conviction de François qu’il la redira une autre fois dans le cours de la rencontre. Il l’explicite en ajoutant qu’il convient d’être « doté d’un sens du divin et du diabolique relatif aux événements de la vie humaine et de l’histoire ». Comment le faire sans « le flair du surnaturel » — selon la belle expression de Hugo Rahner que rappelle François ? Il faudrait citer l’ensemble du texte, originellement publié dans l’Osservatore Romano et dans la Civiltà Cattolica, aujourd’hui heureusement disponible en français sur le site de Zenit.

Relever l’exigence du discernement dans la vie concrète des personnes consacrées, n’est pas une nouveauté, mais le faire de cette manière en la mettant en quelque sorte au centre de la vie concrète de la vocation en est une. Cette intervention ne peut que résonner fortement pour les membres des Institut séculiers dont la vocation est d’être, comme le Christ Jésus, « livrés » dans un monde où ils vivent généralement en dispersion. C’est avec toute cette profondeur qu’ils ont à entendre l’invitation du pape à un discernement continu qui, seul, peut leur permettre de vivre pleinement leur vocation. Mais entendre ainsi l’invitation du message de François – et il n’y a guère d’autre possibilité – ouvre de nouveaux chemins dans le domaine de la formation des membres d’Instituts séculiers.

Rome : La Conférence Mondiale des Instituts Séculiers a un nouveau Conseil

Le cardinal Joao Braz de Aviz, et Nadège Vedie

L’Assemblée générale de la Conférence Mondiale des Instituts Séculiers a clôturé hier des travaux denses. Ouverte par le cardinal brésilien João Braz de Aviz, préfet de la Congrégation pour les instituts de vie consacrée et les sociétés de vie apostolique, qu’on voit ici accueilli par Nadège Vedie (France) qui a présidé la Conférence mondiale lors des quatre dernières années, elle s’est terminée avec l’élection du nouveau Conseil exécutif, chargé de «prendre soin» des Instituts séculiers pour les quatre prochaines années. Ont donc été élus :

le nouveau conseil exécutif de la CMIS

Le nouveau Conseil exécutif de la CMIS : (à partir de la gauche) : A. Vendramin, M. Palazzi, T. D’Oria, L. Fernandes, J. Spilarewicz, M. de F. Henriquez Pérez, E. C. Fleita, M. Caron.

  • Jolanta Spilarewicz, présidente (Pologne)
  • Elba Catalina Fleita, conseil de présidence (Brésil)
  • Margherita Palazzi, conseil de présidence (Italie)
  • Françoise Beroudiat (France)
  • Marcel Caron (Canada)
  • Theresa D’Oria (Italie)
  • Lily Fernandes (Inde)
  • Maria de Fátima Henriquez Pérez (Espagne)
  • Antonio Vendramin (Italie)

Les 9 membres viennent ainsi de 7 pays appartenant à 3 continents : Europe, Amériques, Asie – seules l’Afrique et l’Océanie n’ayant pas de représentants dans le Conseil exécutif dont il faut noter qu’il compte un prêtre pour huit laïcs, ce qui est assez représentatif de la proportion des uns et des autres parmi les Instituts séculiers.

Deux réflexions majeures avaient été inscrites au programme de cette Assemblée : l’une sur l’identité des Instituts, l’autre sur la formation dans les Instituts. Il est clair que toutes les deux s’inscrivaient dans le prolongement de l’année de la Vie consacrée, notamment de la rencontre qui marquait la clôture de cette année pour le 2 février. Quant au souci de formation, il a été omniprésent lors de cette année, notamment avec la rencontre mondiale des jeunes consacrés qui eut lieu du 15 au 19 septembre 2015.

audience avec le Saint Père

Les délégués de la CMIS saluent le Saint Père lors de l’audience du 24 août sur la place Saint-Pierre

La formation a sans doute été le sujet le plus traîté de l’Assemblée. S’il n’est pas probablement pas très nouveau d’insister sur la formation de base chrétienne, sur la priorité de la formation humaine ou sur l’éducation à la pensée critique, le risque de ce type de réflexion est toujours de ne vouloir rien oublier et d’entasser les exigences sans hiérarchisation ou perspective qui puisse apporter une aide véritable en situant des priorités. Cependant, une préoccupation plus nouvelle semble s’être fait jour. Alors que, pendant des années, on a insisté sur l’inculturation, puis sur l’acculturation des charismes selon les réalités locales, deux demandes de l’Assemblée générale pourraient attester d’une maturité nouvelle : la première est la requête de mieux connaître comment la sécularité est perçue dans les différentes cultures, la seconde porte sur la nécessité de définir ou redéfinir le langage en tenant compte de la multiculturalité et des époques.

Mieux savoir comment la sécularité est perçue dans les différentes cultures est admettre que le regard sur cette réalité – et peut-être même que la façon de la vivre – peuvent être différents selon les cultures. Alors que pendant de nombreuses années, certains ont été tentés de parler de la sécularité comme d’une réalité une et immuable, qu’il s’agissait seulement d’aménager selon les réalités locales, voici que la demande ouvre à une possibilité de pluralité dans la façon de la comprendre et de la vivre. Par exemple, il ne s’agit plus d’importer un charisme sur un nouveau contenant en tenant compte des particularités locales mais de le vivre, de «l’incarner», selon chacune de ses insertions. De même l’exigence perçue de redéfinir le langage selon les cultures et les temps indique qu’il y a possibilité et même attente d’apports nouveaux différenciés et que pourrait se terminer le temps où certains revendiquaient un discours unique sur et parmi les instituts séculiers – ce qui est pourtant toujours forcément réducteur.

Si on suit cette ligne, on se rend compte alors que la recherche à ce niveau devrait amener une perception nouvelle de l’identité des Instituts séculiers, débarrassée de toute fixation attestant surtout du langage d’une époque ou d’un milieu, et accueillant toute une richesse d’apports multiples. Il n’y a pas de doute qu’ici l’Esprit est en train de souffler pour faire de cette vocation une vocation du troisième millénaire.

Ceci n’était qu’un bref aperçu de cette rencontre importante et il y aurait bien d’autres point à relever, nous y reviendrons demain.

Marie, laïque consacrée dans un institut séculier

Sur KTO, "Des vies consacrées", Marie Boudier,

Tout au long de l’Année de la vie consacrée, KTO propose chaque semaine le portrait d’une religieuse, d’un religieux, d’un prêtre ou d’un laïc consacré. Ceux-ci sont peu nombreux, et parmi les trois témoignages publiés jusqu’à présent d’une vie au milieu du monde, voici que, pour la première fois, KTO propose le portrait d’un membre d’institut séculier : Marie Boudier, de l’Institut séculier féminin du Cœur de Jésus.

Marie Boudier, membre de l'Institut séculier du Coeur de Jésus

Dans un décor très sobre, presque épuré, où quelques peintures très colorées posées ci et là forment un contraste presque saisissant, Marie, assise à une table, est filmée en gros plan. Paradoxalement, cette économie de moyens met en valeur un regard qui paraît venir de loin, et aide à dégager des moments forts dans l’interview. Nous avons envie d’en retenir trois plus particulièrement.

S’est imposé à moi le désir…

serieux

L’essentiel

Dès le départ, le ton est donné : « J’ai vécu une conversion à l’âge de 25 ans… et tout de suite s’est imposée à moi le désir d’une vie consacrée… de donner complètement ma vie au Seigneur. » Marie va à l’essentiel avec une grande justesse de ton : dire que ce désir s’est imposé à elle dit combien elle sent tellement qu’il lui vient de plus loin qu’elle.

Il y a là tout l’alliage de la vie consacrée entre le désir intérieur dont l’Esprit est l’origine et la réponse libre de la créature. Ici, aucun superflu ne détourne du seul important : donner complètement sa vie à Dieu. Pas d’anecdotes ni de détails sur tout ce chemin dont seul l’essentiel est retracé.

Le besoin et l’envie d’être en plein monde

C’est avec des mots d’une grande justesse que Marie en vient alors à ce qui a été moteur dans son choix d’une forme de vie consacrée. Il vaut la peine de les réentendre :

J’avais besoin et envie…

 « J’ai pris conscience que j’avais besoin et envie d’être en plein monde, et que mon appel était d’être au milieu des gens, de vivre au milieu des gens… tout en ayant une vie consacrée.

Le besoin, le désir ou l’appel ne sont pas confondus, même s’ils sont présents tous les trois. Reconnaître l’appel est finalement ce qui précise de façon décisive ce qui a été éprouvé jusque là. Il n’est alors pas étonnant que le mot qui prendra ensuite une place importante dans l’interview soit celui de discernement.

 Le discernement constant de la mission

C’est à chacun de recevoir sa mission, de la discerner, à la fois avec le petit groupe, et aussi dans la prière et l’accompagnement spirituel… 

Est-ce que ce que je suis en train de vivre est conforme à mes Constitutions ? Est-ce que vraiment je suis sur un chemin en compagnie du Seigneur ?

Cette mission tu la porteras comme un feu...

Cette mission tu la porteras comme un feu...

Dans ce témoignage, c’est probablement là qu’apparaît davantage la vie en institut séculier avec la mission propre qui se reçoit d’un autre ou d’autres, qui se discerne aussi. Et il est bon que soit rappelé que plusieurs dimensions sont nécessaires pour ce discernement : la prière où Marie se retrouve seule avec son Dieu, mais aussi le groupe que lui fournit l’Institut du Cœur de Jésus et le dialogue avec celui qui a accepté la charge de l’accompagner – donc l’Église. C’est à la fois éminemment personnel et jamais solitaire. En outre, Marie rappelle que des éléments de vérification que ce chemin est bien celui de Dieu sont toujours à mettre en place : les Constitutions de son institut, l’identification que le chemin est bien conforme à celui du Seigneur dans l’Évangile

La plus grande joie…

La plus grande joie, c'est d'avoir été appelée

La plus grande joie, c’est d’avoir été appelée…

Donner toute sa vie à Dieu, le besoin et l’envie d’être en plein monde, la nécessité d’un discernement toujours à l’oeuvre : l’ensemble dessine l’essentiel d’un chemin de vie qui apparaît avoir une profonde cohérence. Le témoignage laisse pressentir qu’une vie en institut séculier peut aussi combler. Pour en avoir la certitude, allez jusqu’au bout de la vidéo et regardez le visage rayonnant de Marie Boudier quand elle confie :

Ma plus grande joie, c’est d’avoir été appelée…, d’avoir été appelée et d’avoir été accueillie par mes soeurs dans l’Institut. Quand le Seigneur m’a appelée, je me suis aussi sentie pleinement reconnue comme personne ayant de la valeur. Ça, c’est ma plus grande joie, je crois.

Merci à KTO pour toute cette série.

C’est aujourd’hui le jour du Salut !

1997 : Jean Paul II au Brésil

1997 : Jean Paul II au Brésil (by José Cruz/Abr, Agência Brasil [1] – CC BY 3.0)

Le 2 février 1997, Jean Paul II inaugurait la première Journée de la vie consacrée. Depuis, 18 ans ont passé et voici qu’aujourd’hui nous vivons la dix-neuvième de ces Journées. Dans l’année particulière où nous sommes, la célébration ne peut être que particulièrement fervente : prière et actions de grâce, rencontres en tout genre et recollections, les modes de célébration sont multiples.

Dans la dynamique de l’invitation du pape François à une « vérification sérieuse » de notre présence à l’Église et au monde, l’Institut séculier du Cœur de Jésus a choisi d’inviter ses membres à une relecture de vie depuis leur premier engagement dans l’Institut. Il vaut sans doute la peine de citer quelques phrases vigoureuses de cette invitation, fruits d’une méditation du texte de la liturgie du jour avec la Présentation de Jésus au Temple selon Luc 2,22-40. En voici trois extraits :

Si Dieu a toujours l’initiative, il nous revient d’adhérer librement à ce qu’il nous propose. Relire sa vie, ce n’est pas faire de l’introspection narcissique, mais bien plutôt parcourir à nouveau le chemin sur lequel nous a conduit le Seigneur et, dans la prière, le laisser faire la lumière en nous et avec nous pour accueillir son regard sans crainte d’y découvrir nos errances et nos infidélités. Elles deviendront appels à la conversion, occasions d’un nouveau départ et expérience de l’amour de Dieu pour nous. Le Seigneur est grand en miséricorde, c’est aujourd’hui, le jour du Salut !

Présentation de Jésus au Temple (Giovanni Bellini,

Présentation de Jésus au Temple by Giovanni Bellini, musée de la fondation Querine Stampalia (Venise), photo Jean-Pierre Dalbéra – CC BY 2.0

Regardant la scène qui présente avant tout Jésus comme le « Consacré du Père », icône de ce que tout consacré est appelé à vivre à sa suite, vient le temps de la question :

Nous pouvons nous demander si Jésus est encore aujourd’hui notre premier et unique amour ; si, à son exemple, notre vie est tout orientée vers le Père… C’est parce que nous aurons regardé Jésus aimer en vérité chaque personne qu’il rencontre que nous pourrons faire de même…

 

Le Christ est la source qui tourne notre regard vers les autres et nous renvoie vers eux, alors, oui,

Notre vocation au cœur du monde nous fait levain dans la pâte. Nous sommes appelées à nous faire proches de tout homme avec tendresse et respect infini pour compatir, consoler et écouter les besoins et les attentes de nos frères ; à nous mettre en esprit mais aussi concrètement dans la position de Jésus lavant les pieds de ses amis. Cette année peut être l’occasion de nous interroger sur notre fidélité à la mission, sur la manière que nous avons de l’exercer : est-ce un lieu de pouvoir, de service, ou un moyen de réalisation de soi ? Suis-je vraiment proche de tout homme, au-delà des apparences, de sa religion, de son origine ?

 

Nous sommes aussi appelées à prendre une part active à la vie de nos sociétés et du peuple dans lequel le Seigneur nous a plantées pour y promouvoir les valeurs de l’Évangile. « Une foi authentique implique toujours un désir profond de changer le monde. Voilà la question que nous devons nous poser :avons-nous nous aussi de grandes visions et un grand élan ? Sommes-nous nous aussi audacieux ? Avons-nous de grands rêves ?« 

Ces dernières questions, directes, sont celles que le pape François posait à ses frères jésuites lors de la messe d’action de grâce pour la canonisation de Pierre Favre en l’église du Gesù le 4 janvier 2014. Elles sont remises en cause ? Non : remettant encore une fois mon cœur en route, elles disent qu’aujourd’hui est le jour du Salut…

Confrontation ? Non, rencontre

Une des chances de l’Année de la vie consacrée, telle que l’Église nous invite à la vivre, est de permettre la rencontre entre les différentes vocations : pouvoir s’émerveiller de ce que le Seigneur inspire aux autres, comme eux s’émerveillent sans doute en voyant les traces de l’Esprit dans ma vie. En confrontant ce qui nous unit et ce qui nous différencie, nous percevons mieux la beauté de notre vocation propre et ce qu’elle représente comme don de Dieu, tout comme nous entrons aussi dans la beauté de la vocation de l’autre. Chemin d’action de grâces et de compréhension mutuelle…

Le diocèse de Saint-Denis

Le diocèse de Saint-Denis

Le diocèse de Saint-Denis – tout proche de Paris – a vécu une telle rencontre lors du lancement de l’Année de la vie consacrée. Le 30 novembre dernier, Marie, Catherine Désirée et Marie-Claire ont témoigné de ce qu’était leur vie. Trois témoignages très différents mais avec des « notes » communes:

Tu m'as séduite...

Tu m’as séduite…

Tout d’abord : le primat du Christ. Marie l’exprime de manière radicale: « Dans la vie consacrée, le Christ est l’unique. Il n’y en pas d’autre. C’est à cause de lui que j’ai fait ce choix. Il est ma joie, j’ai l’assurance qu’il peut combler ma vie. » Et Marie, qui appartient à l’Institut séculier du Cœur de Jésus (et oui, c’est bien le nôtre !), de conclure, citant Jérémie : « Tu m’as séduite et je me suis laissée séduire » (Jr 20,7).

Ma livrer par amour

Me livrer par amour

Il est probable que Catherine Désirée et Marie-Claire se retrouveraient dans cette parole, mais le témoignage de Catherine Désirée, religieuse des Servantes de Marie de Douala, met en évidence la façon dont le Christ est source dans une mission exigeante auprès des plus pauvres – les demandeurs d’asile – : « Suis-je prête à livrer mon corps, à me laisser manger par amour pour le Christ ? »  Oui, pour elle, c’est en Lui qu’elle trouve les forces pour aller de l’avant.

La joie de sa présence

La joie de sa présence

Quant à Marie-Claire, de la communauté apostolique Saint-François Xavier, elle retient la joie de la fraternité crée par la présence du Seigneur au milieu des siens : cette joie rayonnante provenant « d’une source intérieure, d’un cœur habité par la présence de Dieu, d’un corps apostolique vivant d’une même inspiration« . Et c’est la prière – oraison, Eucharistie ou prière du soir -, relation vivante avec le Seigneur, qui ravive cette joie.

Cependant, ne fut-ce qu’à travers la façon de parler de la source qu’est le Christ pour chacune, on perçoit les différences de leur vocation. Il n’est pas étonnant que, membre d’une communauté apostolique, Marie-Claire soit si sensible à la joie de la fraternité dans la communauté. Il semble naturel que Catherine Désirée cherche en son Seigneur celui qui permet de se donner entièrement aux autres. Quant à Marie, membre d’un institut séculier où chacune vit seule dans le monde, elle met en exergue comment Dieu est celui qui lui permet d’unifier sa vie.

Alors, si le primat du Christ est si visible dans chacune de ces vies consacrées, mettant bien des points communs entre Marie, Catherine Désirée et Marie-Claire, leurs brefs témoignages manifestent des manières différentes de se situer dans le monde : Marie est bien fidèle à l’esprit de l’Institut séculier du Cœur de Jésus en exprimant son désir d’être au cœur du monde avec le cœur de Dieu, Catherine Désirée qui, après des années d’enseignement, accompagne des demandeurs d’asile, rejoint le projet de sa congrégation des Servantes de Marie de Douala de servir à la manière de Marie. Enfin, chez Marie-Claire, de la communauté apostolique Saint-François Xavier, son témoignage manifeste de manière forte son impossibilité à séparer la vie de communauté – avec ses joies et ses exigences – de la vie apostolique.

Confrontation, avez-vous dit ? Non, rencontre – et vraie rencontre.

Pour retrouver l’intégralité de ces témoignages : http://saint-denis.catholique.fr/actualites/lancement-de-lannee-de-la-vie-conscree-temoignages

 

 

Jessica : 7’46 »

Jessica Kary présente les instituts séculiers

Jessica Kary

Elle s’appelle Jessica Kary et est membre de l’Institut séculier des Oblates apostoliques (Apostolic Oblates). Si vous comprenez l’américain, allez la voir – l’écouter – pendant 7’46 », sur le site de la conférence épiscopale des États-Unis d’Amérique : Jessica présente notre vocation : la nature et la mission d’un institut séculier. Membre d’un institut séculier fondé à Rome par un prêtre italien (don Guglielmo Giaquinta, devenu évêque), avec une forte présence aux États-Unis, en Italie et en Lituanie, Jessica Kary parle ici pour l’ensemble de notre vocation.

Ce qui est probablement remarquable dans ce document, c’est que si sa présentatrice met bien  l’accent sur ce qu’est l’essentiel de notre vie avec ses trois caractéristiques principales :

  • l’apostolat – selon les caractéristiques propres à chaque institut
  • l’immersion dans le monde comme le levain dans la pâte : elle souligne qu’être dans le monde est ce qu’on appelle être séculier.
  • la consécration puisqu’on prononce des voeux de pauvreté, chasteté et obéissance qui dédient la vie Seigneur mais libèrent aussi pour le service.

Jessica Kary prend le temps de brosser un tableau complet, abordant la formation, les détails d’une vie de prière, la manière d’être présente dans le monde par sa vie professionnelle. Elle n’hésite pas à à évoquer des modes de vie différents selon l’institut séculier, y compris ceux qui sont moins répandus, comme la possibilité de vie en communauté. Notre consoeur s’interroge aussi sur la différence entre la vie religieuse et la vie en institut séculier : d’un côté, la communauté comme « signe« , alors que le membre d’institut séculier qui a pour mission de transformer le monde de l’intérieur, est signe que toute personne, à travers la vie quotidienne dans le monde, peut y atteindre à la sainteté.

Le don de Dieu

Le don de Dieu

Un dernier détail : si vous pouvez regarder cette vidéo, allez jusqu’au bout. Jessica Kary en vient à l’appel du Christ pour elle, et on voit son visage et ses yeux s’animer. Le réalisateur l’a bien senti qui, quand elle termine en évoquant ce don de Dieu pour son Église, resserre le plan sur un visage qui rayonne : au bout de 7’46″…