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Discernement : le flair du surnaturel

JMJ 2016 à Cracovie

Le texte intégral du message du Saint Père aux Instituts séculiers n’a pas encore été rendu public, cependant, les médias n’y ont pas fait écho de la même manière dans les différentes langues, chacun choisissant de se focaliser plus particulièrement sur l’un ou l’autre élément. Dans ce contexte, une précision de Radio Vatican à l’intention de son auditoire italien nous paraît éclairante pour la vocation des membres d’Instituts séculiers. Radio Vatican cite le pape :

« Vous n’êtes pas d’abord laïcs puis consacrés, mais pas davantage d’abord consacrés puis laïcs, vous êtes en même temps laïcs et consacrés. » Et de cela « découle aussi une autre conséquence très importante  : il faut un discernement continu, qui puisse aider à opérer l’équilibre ; une attitude qui aide à trouver Dieu en toutes choses. »

2013 : Papa Francesco (by Christoph Wagener, CC 3.0)

Attentif (by Christoph Wagener, CC 3.0)

Comment ne pas relever que cet appel survient alors que le Saint Père vient juste de développer la nécessité du discernement – et ce qu’il entend par là – dans sa rencontre avec les jésuites polonais du 30 juillet dernier, en marge de son déplacement pour les JMJ de Cracovie. Interrogé sur un conseil à donner aux jeunes jésuites ordonnés, il les invite à partager, notamment avec les séminaristes, le trésor qu’est la sagesse du discernement, reçu dans les Exercices de saint Ignace. Pour François, elle est ce dont les prêtres ont le plus besoin aujourd’hui dans leur mission pastorale pour être réellement en capacité d’aider les fidèles dans leur vie concrète.

Dans la vie, tout n’est pas noir sur blanc ou blanc sur noir. Non ! Dans la vie, ce qui prévaut, ce sont les nuances du gris. Il faut alors enseigner à discerner dans ce gris.

« Aujourd’hui, l’Église a besoin de croître dans le discernement, dans la capacité de discerner« . C’est tellement la conviction de François qu’il la redira une autre fois dans le cours de la rencontre. Il l’explicite en ajoutant qu’il convient d’être « doté d’un sens du divin et du diabolique relatif aux événements de la vie humaine et de l’histoire ». Comment le faire sans « le flair du surnaturel » — selon la belle expression de Hugo Rahner que rappelle François ? Il faudrait citer l’ensemble du texte, originellement publié dans l’Osservatore Romano et dans la Civiltà Cattolica, aujourd’hui heureusement disponible en français sur le site de Zenit.

Relever l’exigence du discernement dans la vie concrète des personnes consacrées, n’est pas une nouveauté, mais le faire de cette manière en la mettant en quelque sorte au centre de la vie concrète de la vocation en est une. Cette intervention ne peut que résonner fortement pour les membres des Institut séculiers dont la vocation est d’être, comme le Christ Jésus, « livrés » dans un monde où ils vivent généralement en dispersion. C’est avec toute cette profondeur qu’ils ont à entendre l’invitation du pape à un discernement continu qui, seul, peut leur permettre de vivre pleinement leur vocation. Mais entendre ainsi l’invitation du message de François – et il n’y a guère d’autre possibilité – ouvre de nouveaux chemins dans le domaine de la formation des membres d’Instituts séculiers.

Rome : La Conférence Mondiale des Instituts Séculiers a un nouveau Conseil

Le cardinal Joao Braz de Aviz, et Nadège Vedie

L’Assemblée générale de la Conférence Mondiale des Instituts Séculiers a clôturé hier des travaux denses. Ouverte par le cardinal brésilien João Braz de Aviz, préfet de la Congrégation pour les instituts de vie consacrée et les sociétés de vie apostolique, qu’on voit ici accueilli par Nadège Vedie (France) qui a présidé la Conférence mondiale lors des quatre dernières années, elle s’est terminée avec l’élection du nouveau Conseil exécutif, chargé de «prendre soin» des Instituts séculiers pour les quatre prochaines années. Ont donc été élus :

le nouveau conseil exécutif de la CMIS

Le nouveau Conseil exécutif de la CMIS : (à partir de la gauche) : A. Vendramin, M. Palazzi, T. D’Oria, L. Fernandes, J. Spilarewicz, M. de F. Henriquez Pérez, E. C. Fleita, M. Caron.

  • Jolanta Spilarewicz, présidente (Pologne)
  • Elba Catalina Fleita, conseil de présidence (Brésil)
  • Margherita Palazzi, conseil de présidence (Italie)
  • Françoise Beroudiat (France)
  • Marcel Caron (Canada)
  • Theresa D’Oria (Italie)
  • Lily Fernandes (Inde)
  • Maria de Fátima Henriquez Pérez (Espagne)
  • Antonio Vendramin (Italie)

Les 9 membres viennent ainsi de 7 pays appartenant à 3 continents : Europe, Amériques, Asie – seules l’Afrique et l’Océanie n’ayant pas de représentants dans le Conseil exécutif dont il faut noter qu’il compte un prêtre pour huit laïcs, ce qui est assez représentatif de la proportion des uns et des autres parmi les Instituts séculiers.

Deux réflexions majeures avaient été inscrites au programme de cette Assemblée : l’une sur l’identité des Instituts, l’autre sur la formation dans les Instituts. Il est clair que toutes les deux s’inscrivaient dans le prolongement de l’année de la Vie consacrée, notamment de la rencontre qui marquait la clôture de cette année pour le 2 février. Quant au souci de formation, il a été omniprésent lors de cette année, notamment avec la rencontre mondiale des jeunes consacrés qui eut lieu du 15 au 19 septembre 2015.

audience avec le Saint Père

Les délégués de la CMIS saluent le Saint Père lors de l’audience du 24 août sur la place Saint-Pierre

La formation a sans doute été le sujet le plus traîté de l’Assemblée. S’il n’est pas probablement pas très nouveau d’insister sur la formation de base chrétienne, sur la priorité de la formation humaine ou sur l’éducation à la pensée critique, le risque de ce type de réflexion est toujours de ne vouloir rien oublier et d’entasser les exigences sans hiérarchisation ou perspective qui puisse apporter une aide véritable en situant des priorités. Cependant, une préoccupation plus nouvelle semble s’être fait jour. Alors que, pendant des années, on a insisté sur l’inculturation, puis sur l’acculturation des charismes selon les réalités locales, deux demandes de l’Assemblée générale pourraient attester d’une maturité nouvelle : la première est la requête de mieux connaître comment la sécularité est perçue dans les différentes cultures, la seconde porte sur la nécessité de définir ou redéfinir le langage en tenant compte de la multiculturalité et des époques.

Mieux savoir comment la sécularité est perçue dans les différentes cultures est admettre que le regard sur cette réalité – et peut-être même que la façon de la vivre – peuvent être différents selon les cultures. Alors que pendant de nombreuses années, certains ont été tentés de parler de la sécularité comme d’une réalité une et immuable, qu’il s’agissait seulement d’aménager selon les réalités locales, voici que la demande ouvre à une possibilité de pluralité dans la façon de la comprendre et de la vivre. Par exemple, il ne s’agit plus d’importer un charisme sur un nouveau contenant en tenant compte des particularités locales mais de le vivre, de «l’incarner», selon chacune de ses insertions. De même l’exigence perçue de redéfinir le langage selon les cultures et les temps indique qu’il y a possibilité et même attente d’apports nouveaux différenciés et que pourrait se terminer le temps où certains revendiquaient un discours unique sur et parmi les instituts séculiers – ce qui est pourtant toujours forcément réducteur.

Si on suit cette ligne, on se rend compte alors que la recherche à ce niveau devrait amener une perception nouvelle de l’identité des Instituts séculiers, débarrassée de toute fixation attestant surtout du langage d’une époque ou d’un milieu, et accueillant toute une richesse d’apports multiples. Il n’y a pas de doute qu’ici l’Esprit est en train de souffler pour faire de cette vocation une vocation du troisième millénaire.

Ceci n’était qu’un bref aperçu de cette rencontre importante et il y aurait bien d’autres point à relever, nous y reviendrons demain.