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Introduisez dans le monde la logique de Dieu

Le dome de Saint Pierre - CC.

Le Vatican vient de rendre publique la lettre envoyée par le Cardinal Secrétaire d’État Pietro Parolin de la part du Saint Père à Nadège Vedie, présidente de la Conférence mondiale des Instituts séculiers à l’occasion de son Assemblée générale.

La lettre commence en citant abondamment la vision des Instituts séculiers développée par Paul VI dans son discours aux participants du Congrès international des Instituts séculiers en septembre 1972. Si l’intuition de Paul VI est réellement prophétique, le cardinal Parolin en vient à ce qu’on pourrait appeler à direction dans laquelle les Instituts séculiers sont aujourd’hui appelés à travailler à l’actualité de leur vocation. À travers l’écriture même de la lettre*, on sent que l’orientation donnée par le cardinal Secrétaire d’État – et la fin de la lettre dire qu’il s’agit des réflexions et exhortations que le Saint Père le charge de transmettre – est déjà l’expression, le fruit d’un discernement dont il s’agit de tirer maintenant toutes les conséquences.

Aujourd’hui il est demandé aux Instituts séculiers une synthèse renouvelée, fixant toujours le regard sur Jésus et étant en même temps immergés dans la vie du monde. Faire la synthèse entre consécration et sécularité signifie avant tout tenir ensemble les deux aspects, sans jamais les séparer. Cela signifie aussi les combiner, non les superposer : en effet, la superposition porterait à vivre de manière formaliste, porterait à observer diverses pratiques sans que cela ne comporte de changement dans la manière de vivre les relations avec les frères et avec le monde. Enfin, faire la synthèse signifie aussi qu’on ne doit pas subordonner un élément à l’autre: sécularité et consécration doivent marcher ensemble ; l’une a besoin de l’autre. Vous n’êtes pas d’abord laïcs puis consacrés, mais pas davantage d’abord consacrés puis laïcs, vous êtes en même temps laïcs et consacrés. Et de cela découle aussi une autre conséquence très importante : il faut un discernement continu, qui puisse aider à opérer l’équilibre ; une attitude qui aide à trouver Dieu en toutes choses.»

* Note: le choix de souligner des termes est de l’auteur de la lettre.

Cardinal Pietro Parolin

Le Secrétaire d’État : homme des missions difficiles

Immédiatement après avoir exprimé l’exigence qui doit s’imposer aux instituts séculiers aujourd’hui, le cardinal Parolin en tirera la conséquence pour la formation des membres d’Instituts séculiers.

Cependant, c’est peut-être ensuite que se situe l’essentiel du texte avec ce qui ouvre à une lecture théologique de la vocation. Il est dommage que cette lettre ne soit aujourd’hui diffusée qu’en italien. C’est pourquoi, il nous paraît important de donner la traduction des paragraphes qui suivent.

« L’engagement dans le sécularité se déploie avec un souffle ample, sur de vastes horizons. Il faut par conséquent une attention continue aux signes des temps : l’histoire doit être lue, comprise et interprétée, et il faut s’insérer en elle de façon constructive et féconde, pour laisser une empreinte évangélique, contribuant – selon la diversité des responsabilités – à l’orienter vers le Règne de Dieu. C’est pourquoi cette vocation comporte une tension constante pour opérer une synthèse entre l’amour de Dieu et l’amour pour les hommes en vivant une spiritualité capable de conjuguer les critères qui viennent « d’en haut », de la grâce de Dieu, et les critères qui viennent « d’en bas », de l’histoire humaine. La croissance dans l’amour Dieu conduit inévitablement à une croissance dans l’amour pour le monde, et vice-versa.

« Guidés pas l’Esprit Saint dans vos actions, introduisez dans le monde la logique de Dieu, contribuant à réaliser cette humanité nouvelle qu’Il veut. C’est Dieu qui opère la synthèse entre sécularité et consécration. Grâce à Lui, on peut exercer une prophétie qui implique discernement et créativité suscités par l’Esprit. Le discernement comme effort de comprendre, d’interpréter les signes des temps en acceptant la complexité, la fragmentarité et la précarité de notre temps. La créativité comme capacité d’imaginer des solutions neuves, d’inventer des réponses inédites et plus appropriées aux situations nouvelles qui se présentent. Se faire compagnons de l’humanité en chemin est pour vous une réalité théologique. La recherche du dialogue et de la rencontre, qui vous demande de vous faire hommes et femmes de communion dans le monde en est une part essentielle.

« Vous êtes donc appelés en Christ à être signes et instruments de l’amour de Dieu dans le monde, signes visibles d’un amour invisible qui envahit tout et veut tout racheter pour reconduire toute chose à la communion trinitaire, origine et achèvement ultime du monde.­»*

* Traduction de l’ISFCJ

Cette lettre importante pourrait se terminer avec la synthèse sur deux nécessités pour vivre la vocation qui vient d’être esquissée : l’urgence de prendre soin de la vie de prière, l’urgence de vivre l’amour fraternel.

Cependant, on ne peut rendre compte de ce texte sans remarquer ce qui semble être une prise en compte nouvelle de diversités. Deux exemples :

  • à partir de l’exigence de vivre l’amour fraternel: le cardinal Parolin prend en compte toutes les manières de vivre notre vocation, ainsi le fait de vivre «  »dans les situations ordinaires du monde, seuls, en famille, en groupes de vie fraternelle, selon les Constitutions propres « .
  • le cardinal essaie de décrire ce qui différencie prêtres et laïcs membres d’Instituts séculiers, donc ayant pour ainsi dire une vocation commune : le rapport au monde. Ce souci est si rare qu’il faut peut-être l’appeler une nouveauté. Nul doute que là aussi une voie de recherche soit ouverte.

En bref, ce texte invite à un travail de recherche passionnant sur ce qui pourrait bien être une des vocations phares du XXIe siècle. Espérons la traduction intégrale de ce texte.

Télécharger sur: http://www.vatican.va/roman_curia/secretariat_state/parolin/2016/index-parolin-2016_it.html

 

Discernement : le flair du surnaturel

JMJ 2016 à Cracovie

Le texte intégral du message du Saint Père aux Instituts séculiers n’a pas encore été rendu public, cependant, les médias n’y ont pas fait écho de la même manière dans les différentes langues, chacun choisissant de se focaliser plus particulièrement sur l’un ou l’autre élément. Dans ce contexte, une précision de Radio Vatican à l’intention de son auditoire italien nous paraît éclairante pour la vocation des membres d’Instituts séculiers. Radio Vatican cite le pape :

« Vous n’êtes pas d’abord laïcs puis consacrés, mais pas davantage d’abord consacrés puis laïcs, vous êtes en même temps laïcs et consacrés. » Et de cela « découle aussi une autre conséquence très importante  : il faut un discernement continu, qui puisse aider à opérer l’équilibre ; une attitude qui aide à trouver Dieu en toutes choses. »

2013 : Papa Francesco (by Christoph Wagener, CC 3.0)

Attentif (by Christoph Wagener, CC 3.0)

Comment ne pas relever que cet appel survient alors que le Saint Père vient juste de développer la nécessité du discernement – et ce qu’il entend par là – dans sa rencontre avec les jésuites polonais du 30 juillet dernier, en marge de son déplacement pour les JMJ de Cracovie. Interrogé sur un conseil à donner aux jeunes jésuites ordonnés, il les invite à partager, notamment avec les séminaristes, le trésor qu’est la sagesse du discernement, reçu dans les Exercices de saint Ignace. Pour François, elle est ce dont les prêtres ont le plus besoin aujourd’hui dans leur mission pastorale pour être réellement en capacité d’aider les fidèles dans leur vie concrète.

Dans la vie, tout n’est pas noir sur blanc ou blanc sur noir. Non ! Dans la vie, ce qui prévaut, ce sont les nuances du gris. Il faut alors enseigner à discerner dans ce gris.

« Aujourd’hui, l’Église a besoin de croître dans le discernement, dans la capacité de discerner« . C’est tellement la conviction de François qu’il la redira une autre fois dans le cours de la rencontre. Il l’explicite en ajoutant qu’il convient d’être « doté d’un sens du divin et du diabolique relatif aux événements de la vie humaine et de l’histoire ». Comment le faire sans « le flair du surnaturel » — selon la belle expression de Hugo Rahner que rappelle François ? Il faudrait citer l’ensemble du texte, originellement publié dans l’Osservatore Romano et dans la Civiltà Cattolica, aujourd’hui heureusement disponible en français sur le site de Zenit.

Relever l’exigence du discernement dans la vie concrète des personnes consacrées, n’est pas une nouveauté, mais le faire de cette manière en la mettant en quelque sorte au centre de la vie concrète de la vocation en est une. Cette intervention ne peut que résonner fortement pour les membres des Institut séculiers dont la vocation est d’être, comme le Christ Jésus, « livrés » dans un monde où ils vivent généralement en dispersion. C’est avec toute cette profondeur qu’ils ont à entendre l’invitation du pape à un discernement continu qui, seul, peut leur permettre de vivre pleinement leur vocation. Mais entendre ainsi l’invitation du message de François – et il n’y a guère d’autre possibilité – ouvre de nouveaux chemins dans le domaine de la formation des membres d’Instituts séculiers.

Message du pape François aux Instituts séculiers

audience avec le Saint Père

DERNIERE MINUTE : à la fin de l’Assemblée générale de la Conférence Mondiale des Instituts Séculiers, ce 26 août, le Pape François a adressé un message à Nadège Vedie, présidente du Conseil exécutif. Le texte intégral de la lettre, signée par le cardinal Pietro Parolin, Secrétaire d’État, n’a pas encore été rendu public, mais plusieurs médias du Saint-Siège, notamment Radio Vatican, se sont fait l’écho d’extraits.

Pietro Parolin

Le cardinal Pietro Parolin

Cependant, quelques-unes de ses expressions sont déjà des indices sur le message que tient à envoyer le François : « Apportez le ciel sur la terre ­» dit le Saint-Père, « en vivant une spiritualité capable de conjuguer les critères qui vienne ‘d’en haut’, de la grâce de Dieu et les critères qui viennent ‘d’en bas’, de l’histoire humaine. ­» François insiste : il ne s’agit pas d’être « d’abord laïcs puis consacrés, pas plus que d’abord consacrés puis laïcs, mais d’être simultanément des laïcs consacrés ­». L’insistance met le doigt sur le risque majeur auquel sont toujours exposés les membres des Instituts séculiers: celui de privilégier une perspective plus que l’autre. En même temps, cette  insistance explique le programme que le Pape François trace aux Instituts séculiers : « Aujourd’hui est demandée aux Instituts séculiers une synthèse renouvelée, toujours en tenant fixe le regard sur Jésus, et en étant en même temps immergés dans la vie du monde. »

Que soit venu le temps d’une synthèse renouvelée dit tout l’actualité de notre vocation et ce doit être une source de joie pour tous ceux qui y sont appelés. On comprend mieux pourquoi alors ils pourront former une « aile avancée de l’Église dans la nouvelle évangélisation ­» Le leur proposer est leur manifester toute la confiance de l’Église. Naturellement, dès que le message sera intégralement publié, nous le communiquerons.

Rome : La Conférence Mondiale des Instituts Séculiers a un nouveau Conseil

Le cardinal Joao Braz de Aviz, et Nadège Vedie

L’Assemblée générale de la Conférence Mondiale des Instituts Séculiers a clôturé hier des travaux denses. Ouverte par le cardinal brésilien João Braz de Aviz, préfet de la Congrégation pour les instituts de vie consacrée et les sociétés de vie apostolique, qu’on voit ici accueilli par Nadège Vedie (France) qui a présidé la Conférence mondiale lors des quatre dernières années, elle s’est terminée avec l’élection du nouveau Conseil exécutif, chargé de «prendre soin» des Instituts séculiers pour les quatre prochaines années. Ont donc été élus :

le nouveau conseil exécutif de la CMIS

Le nouveau Conseil exécutif de la CMIS : (à partir de la gauche) : A. Vendramin, M. Palazzi, T. D’Oria, L. Fernandes, J. Spilarewicz, M. de F. Henriquez Pérez, E. C. Fleita, M. Caron.

  • Jolanta Spilarewicz, présidente (Pologne)
  • Elba Catalina Fleita, conseil de présidence (Brésil)
  • Margherita Palazzi, conseil de présidence (Italie)
  • Françoise Beroudiat (France)
  • Marcel Caron (Canada)
  • Theresa D’Oria (Italie)
  • Lily Fernandes (Inde)
  • Maria de Fátima Henriquez Pérez (Espagne)
  • Antonio Vendramin (Italie)

Les 9 membres viennent ainsi de 7 pays appartenant à 3 continents : Europe, Amériques, Asie – seules l’Afrique et l’Océanie n’ayant pas de représentants dans le Conseil exécutif dont il faut noter qu’il compte un prêtre pour huit laïcs, ce qui est assez représentatif de la proportion des uns et des autres parmi les Instituts séculiers.

Deux réflexions majeures avaient été inscrites au programme de cette Assemblée : l’une sur l’identité des Instituts, l’autre sur la formation dans les Instituts. Il est clair que toutes les deux s’inscrivaient dans le prolongement de l’année de la Vie consacrée, notamment de la rencontre qui marquait la clôture de cette année pour le 2 février. Quant au souci de formation, il a été omniprésent lors de cette année, notamment avec la rencontre mondiale des jeunes consacrés qui eut lieu du 15 au 19 septembre 2015.

audience avec le Saint Père

Les délégués de la CMIS saluent le Saint Père lors de l’audience du 24 août sur la place Saint-Pierre

La formation a sans doute été le sujet le plus traîté de l’Assemblée. S’il n’est pas probablement pas très nouveau d’insister sur la formation de base chrétienne, sur la priorité de la formation humaine ou sur l’éducation à la pensée critique, le risque de ce type de réflexion est toujours de ne vouloir rien oublier et d’entasser les exigences sans hiérarchisation ou perspective qui puisse apporter une aide véritable en situant des priorités. Cependant, une préoccupation plus nouvelle semble s’être fait jour. Alors que, pendant des années, on a insisté sur l’inculturation, puis sur l’acculturation des charismes selon les réalités locales, deux demandes de l’Assemblée générale pourraient attester d’une maturité nouvelle : la première est la requête de mieux connaître comment la sécularité est perçue dans les différentes cultures, la seconde porte sur la nécessité de définir ou redéfinir le langage en tenant compte de la multiculturalité et des époques.

Mieux savoir comment la sécularité est perçue dans les différentes cultures est admettre que le regard sur cette réalité – et peut-être même que la façon de la vivre – peuvent être différents selon les cultures. Alors que pendant de nombreuses années, certains ont été tentés de parler de la sécularité comme d’une réalité une et immuable, qu’il s’agissait seulement d’aménager selon les réalités locales, voici que la demande ouvre à une possibilité de pluralité dans la façon de la comprendre et de la vivre. Par exemple, il ne s’agit plus d’importer un charisme sur un nouveau contenant en tenant compte des particularités locales mais de le vivre, de «l’incarner», selon chacune de ses insertions. De même l’exigence perçue de redéfinir le langage selon les cultures et les temps indique qu’il y a possibilité et même attente d’apports nouveaux différenciés et que pourrait se terminer le temps où certains revendiquaient un discours unique sur et parmi les instituts séculiers – ce qui est pourtant toujours forcément réducteur.

Si on suit cette ligne, on se rend compte alors que la recherche à ce niveau devrait amener une perception nouvelle de l’identité des Instituts séculiers, débarrassée de toute fixation attestant surtout du langage d’une époque ou d’un milieu, et accueillant toute une richesse d’apports multiples. Il n’y a pas de doute qu’ici l’Esprit est en train de souffler pour faire de cette vocation une vocation du troisième millénaire.

Ceci n’était qu’un bref aperçu de cette rencontre importante et il y aurait bien d’autres point à relever, nous y reviendrons demain.

L’Assemblée générale de la Conférence mondiale des instituts séculiers à Rome

Rome

Du 21 au 25 août, environ 140 Responsables généraux des instituts séculiers sont réunis à Rome pour l’Assemblée générale de la Conférence mondiale des instituts séculiers – la CMIS. La date en est particulière alors que vient de se terminer l’année de la Vie consacrée et que l’an prochain, en 2017, verra la célébration des 70 ans de Provida Mater Ecclesia, la Constitution apostolique par laquelle Pie XII donnait naissance aux instituts séculiers, à cette nouvelle vocation, don de Dieu pour l’Église et le monde. On comprend donc pourquoi le programme – dense – de la rencontre de ces jours-ci comprend une réflexion sur la formation et l’identité des instituts séculiers.

Radio Vaticana

L’espérance de l’Église

Radio Vatican a déjà donné un bon écho à la rencontre, notamment avec une interview du cardinal João Braz de Aviz, le préfet de la Congrégation pour les instituts de vie consacrée et les sociétés de vie apostolique, la CIVCSVA. Le cardinal – qui ouvrait les travaux de l’Assemblée –attend beaucoup de cette vocation et le titre de Radio Vatican  dit déjà une des attentes principales de l’Église vis-à-vis des membres d’instituts séculiers : qu’ils soient les semences par lesquelles l’Évangile pénètre dans le monde et le transforme de l’intérieur.

Au milieu du monde

Vivre vraiment dans le monde et du monde : dans la grande via del Corso (by Alessio Damato, CC)

Il faut aussi noter l’interview de Giorgio Maria Mazzola, membre du Conseil exécutif de la CMIS. Interrogé par le journaliste Paolo Ondarza, son intervention, même brève, nous semble intéressante :

«­ Naturellement, nous devons servir l’Église, mais la première façon de le faire et de vivre vraiment dans le monde et de vivre du monde. C’est une évangélisation qui passe avant tout par la manière de faire plus que par les paroles. Mais c’est une évangélisation très importante parce qu’elle est en vérité insérée dans des contextes normaux : le travail, la politique, l’administration. C’est surtout cela notre façon d’évangéliser et, dirai-je aussi, une façon de constater combien la vie comporte très souvent des éléments de vie évangélique qu’on ne peut reconnaître que parce que l’Esprit agit où il veut et comme il veut. »

Trois indications à retenir ici : la première est que la plupart des cadres de vie dans le monde sont ouverts aux membres d’instituts séculiers : dire le travail, la politique, l’administration est dire qu’aucun secteur professionnel ou de la vie des hommes n’est étranger à l’investissement de ces personnes consacrées. Ce serait une erreur de les cantonner à des tâches sociales ou… au service pastoral.

Ngoc Ha Market à Hanoi

Vivre vraiment dans le monde et du monde : Ngoc Ha Market à Hanoi (by Dragfyre, CC)

Tout aussi important apparaît le regard porté sur le monde : il s’agit de reconnaître les éléments de vie évangélique qui attestent déjà du travail de l’Esprit. Ainsi, le membre d’Institut séculier, laïc ou prêtre, s’exerce à reconnaître la présence de l’Esprit dans les réalités du monde où il est inséré. Son regard a en quelque sorte un a priori positif sur ce monde pour savoir en relever les beautés qu’y fait naître le Créateur avec qui il veut coopérer.

Servir l’Église est une nécessité pour les membres des Instituts, mais Giorgio Maria Mazzola nous rappelle l’importance de la mettre au milieu du monde pour qu’elle puisse l’irriguer pour y faire germer et réussir le projet de Dieu. C’est bien la Mission des membres des Instituts séculiers. Qui niera qu’elle est aujourd’hui essentielle pour le monde et l’Église ? Qui aura assez d’amour pour mettre toutes ses capacités, tous les dons qu’il a reçus pour travailler à faire advenir le Royaume ?

Marie, laïque consacrée dans un institut séculier

Sur KTO, "Des vies consacrées", Marie Boudier,

Tout au long de l’Année de la vie consacrée, KTO propose chaque semaine le portrait d’une religieuse, d’un religieux, d’un prêtre ou d’un laïc consacré. Ceux-ci sont peu nombreux, et parmi les trois témoignages publiés jusqu’à présent d’une vie au milieu du monde, voici que, pour la première fois, KTO propose le portrait d’un membre d’institut séculier : Marie Boudier, de l’Institut séculier féminin du Cœur de Jésus.

Marie Boudier, membre de l'Institut séculier du Coeur de Jésus

Dans un décor très sobre, presque épuré, où quelques peintures très colorées posées ci et là forment un contraste presque saisissant, Marie, assise à une table, est filmée en gros plan. Paradoxalement, cette économie de moyens met en valeur un regard qui paraît venir de loin, et aide à dégager des moments forts dans l’interview. Nous avons envie d’en retenir trois plus particulièrement.

S’est imposé à moi le désir…

serieux

L’essentiel

Dès le départ, le ton est donné : « J’ai vécu une conversion à l’âge de 25 ans… et tout de suite s’est imposée à moi le désir d’une vie consacrée… de donner complètement ma vie au Seigneur. » Marie va à l’essentiel avec une grande justesse de ton : dire que ce désir s’est imposé à elle dit combien elle sent tellement qu’il lui vient de plus loin qu’elle.

Il y a là tout l’alliage de la vie consacrée entre le désir intérieur dont l’Esprit est l’origine et la réponse libre de la créature. Ici, aucun superflu ne détourne du seul important : donner complètement sa vie à Dieu. Pas d’anecdotes ni de détails sur tout ce chemin dont seul l’essentiel est retracé.

Le besoin et l’envie d’être en plein monde

C’est avec des mots d’une grande justesse que Marie en vient alors à ce qui a été moteur dans son choix d’une forme de vie consacrée. Il vaut la peine de les réentendre :

J’avais besoin et envie…

 « J’ai pris conscience que j’avais besoin et envie d’être en plein monde, et que mon appel était d’être au milieu des gens, de vivre au milieu des gens… tout en ayant une vie consacrée.

Le besoin, le désir ou l’appel ne sont pas confondus, même s’ils sont présents tous les trois. Reconnaître l’appel est finalement ce qui précise de façon décisive ce qui a été éprouvé jusque là. Il n’est alors pas étonnant que le mot qui prendra ensuite une place importante dans l’interview soit celui de discernement.

 Le discernement constant de la mission

C’est à chacun de recevoir sa mission, de la discerner, à la fois avec le petit groupe, et aussi dans la prière et l’accompagnement spirituel… 

Est-ce que ce que je suis en train de vivre est conforme à mes Constitutions ? Est-ce que vraiment je suis sur un chemin en compagnie du Seigneur ?

Cette mission tu la porteras comme un feu...

Cette mission tu la porteras comme un feu...

Dans ce témoignage, c’est probablement là qu’apparaît davantage la vie en institut séculier avec la mission propre qui se reçoit d’un autre ou d’autres, qui se discerne aussi. Et il est bon que soit rappelé que plusieurs dimensions sont nécessaires pour ce discernement : la prière où Marie se retrouve seule avec son Dieu, mais aussi le groupe que lui fournit l’Institut du Cœur de Jésus et le dialogue avec celui qui a accepté la charge de l’accompagner – donc l’Église. C’est à la fois éminemment personnel et jamais solitaire. En outre, Marie rappelle que des éléments de vérification que ce chemin est bien celui de Dieu sont toujours à mettre en place : les Constitutions de son institut, l’identification que le chemin est bien conforme à celui du Seigneur dans l’Évangile

La plus grande joie…

La plus grande joie, c'est d'avoir été appelée

La plus grande joie, c’est d’avoir été appelée…

Donner toute sa vie à Dieu, le besoin et l’envie d’être en plein monde, la nécessité d’un discernement toujours à l’oeuvre : l’ensemble dessine l’essentiel d’un chemin de vie qui apparaît avoir une profonde cohérence. Le témoignage laisse pressentir qu’une vie en institut séculier peut aussi combler. Pour en avoir la certitude, allez jusqu’au bout de la vidéo et regardez le visage rayonnant de Marie Boudier quand elle confie :

Ma plus grande joie, c’est d’avoir été appelée…, d’avoir été appelée et d’avoir été accueillie par mes soeurs dans l’Institut. Quand le Seigneur m’a appelée, je me suis aussi sentie pleinement reconnue comme personne ayant de la valeur. Ça, c’est ma plus grande joie, je crois.

Merci à KTO pour toute cette série.

Les Béatitudes des consacrés en formation

Plus de 1200 formateurs à la vie consacrée

Plus de 1200 formateurs à la vie consacrée à Rome

La semaine dernière, du 7 au 11 avril, le Congrès des formateurs à la vie consacrée a réuni au Vatican plus de 1200 responsables venus du monde entier pour s’interroger sur ce que signifie « Vivre dans le Christ selon la forme de vie de l’Évangile« . En période de « crise des vocations  » — elle est réelle —, l’image de si nombreux responsables, parfois vraiment jeunes, était saisissante et le Saint Père François, dans l’audience qu’il a accordée aux participants samedi, n’a pas manqué de relever cet apparent paradoxe.

Le programme du congrès

Le programme du congrès organisé au Vatican par la CIVCSVA

Au terme du congrès organisé par la Congrégation pour les Instituts de vie consacrée et les Sociétés de vie apostolique, le cardinal João Braz de Aviz a voulu adresser un message à ces formateurs qu’il avait accompagnés toute la semaine. Disons le tout de suite : ce message est une splendeur. À l’heure où j’écris, « Beati voi formatori e formatrici »  semble ne pas être encore traduit en d’autres langues qu’en italien, mais dès qu’il sera en français, il vaudra la peine de le découvrir. En fait, c’est bien chaque formateur qui devrait le recevoir à genoux.

Il compte deux parties principales : tout d’abord un commentaire des Béatitudes selon saint Matthieu où chacune est mise en rapport avec une qualité des formateurs. Ensuite, le message discerne 12 priorités pour le service de la formation – nous y reviendrons demain.

Les Béatitudes des consacrés en formation

Il est impossible de citer entièrement cette application des Béatitudes. Heureux les pauvres en esprit ? Oui, heureux vous qui, vous sentant pauvres en face du sublime devoir de former Christ dans les cœurs, vous confiez à l’action du Saint Esprit… Heureux ceux qui pleurent parce qu’il seront consolés ? Oui, heureux vous quand vous savez partager la fatigue de la conversion avec ceux qui sont en formation…

Mais à travers les Béatitudes que le Christ souhaite appliquer aux formateurs, on peut aussi lire en creux les Béatitudes de ceux et celles qui sont entrés en formation sur le chemin de la vie consacrée. Cela pourrait donner aussi :

Des formateurs, souvent jeunes, venus de toutes les parties du monde

Des formateurs, souvent jeunes, venus de toutes les parties du monde

Heureux ceux qui ont été confiés à l’action de l’Esprit Saint pour que Christ soit formé en eux.

Heureux ceux qui éprouvent que leur lenteur à progresser ne trouve que patience et confiance de leurs formateurs.

Heureux ceux qui peuvent trouver une oreille et un cœur pour accueillir leurs découragements et leurs souffrances avec la miséricorde et la tendresse du Père.

Heureux ceux qui éprouvent qu’on ne cherchera qu’à les aider à réaliser le rêve de Dieu pour eux.

Heureux ceux qui sentent que leur formateur voit le feu qui brûle leur cœur malgré les cendres qui tentent de le recouvrir et leurs misères.

Heureux ceux qui vivent en se sachant accompagnés par un regard tout à l’image de celui de Dieu : un regard qui sait aussi voir Dieu dans leur cœur.

Heureux ceux qui éprouvent que ce temps de formation qui leur est donné est facteur en eux de paix et d’unité intérieure.

En fait, oui, heureux sont-ils ceux à qui le Seigneur a donné de s’engager sur ce chemin de formation à la vie consacrée. Y a-t-il beaucoup de lieux où ils puissent se sentir autant accueillis par un ou une autre qui a fait un jour le même chemin qu’eux ? Alors s’expliquent les paroles de François lors de l’audience qu’il accordait aux membres du Congrès :

« Les jeunes ont besoin d’expérimenter… qu’il y a une grande liberté dans une vie obéissante, une grande fécondité dans un cœur vierge, une grande richesse quand on ne possède rien. »

Misericordiae Vultus : le Visage de la Miséricorde

Homélie

Promulgation de la Bulle d’indiction du Jubilé extraordinaire : la Croix et la lumière du cierge pascal que rien ne peut éteindre.

« Simplement parce que l’Église, en ce moment de grands changements d’époque, est appelée à offrir plus fortement les signes de la présence et de la proximité de Dieu. »

Après avoir entendu le P. Leonardo Sapienza, régent de la préfecture de la Maison pontificale, présenter devant la porte sainte de la basilique Saint-Pierre, fermée, la Bulle d’indiction du Jubilé extraordinaire de la Miséricorde,  le pape François a présidé la célébration des premières vêpres du dimanche de la Divine Miséricorde.

Certes, la bulle d’indiction d’un Jubilé est un document qui en donne l’axe principal, mais il était aujourd’hui impossible de ne pas être frappé par la conjonction unique d’éléments particuliers dans la promulgation de cette Année sainte : tout d’abord, elle vient au moment où le pape dénonce sur tous les tons, à temps et à contre-temps, l’indifférence du monde devant le malheur des populations déplacées et des persécutions à grande échelle, notamment celles qui frappent les chrétiens. L’homélie de cette après-midi s’en est encore fait l’écho avec force, évoquant les populations qui subissent « la violence inouïe de la discrimination et de la mort », simplement en raison de leur foi.

Ensuite, comment ne pas être frappé par la conjonction entre l’axe essentiel de ce jubilé extraordinaire et ce que laissent apparaître les gestes et les paroles du Saint Père depuis maintenant plus de deux ans : certes, c’est véritablement un homme de compassion et de miséricorde qui a été appelé par le Seigneur à prendre la suite de Pierre : comment alors ne pas ressentir que c’est Dieu lui-même qui veut ce moment pour son Église tout entière ?

Cependant, il faut aussi relever une autre conjonction : a-t-on suffisamment noté que ce jubilé exceptionnel recouvre aussi en partie l’année de la Vie consacrée ? C’est un don extraordinaire à celle-ci parce que, si elle est fidèle à sa mission, elle devrait en être le premier bénéficiaire. N’est-elle pas en effet appelée à être aux avant-postes quand il s’agit d’offrir plus fortement les signes de la présence et de la proximité de Dieu ? Avec cette conjonction, François lui offre les moyens de se renouveler en profondeur dans ce qui est sa raison d’être. En même temps que l’Église affirme que la vie consacrée est, de plus en plus, appelée à être en sortie pour vivre pleinement ce qu’elle est, elle lui donne les moyens de le vivre et de témoigner auprès de jeunes généreux qui voudraient donner leur vie à Dieu qu’il est possible d’avoir une vraie fécondité.

Présentation de Jésus au Temple, 2 février 2015 à Rome

Fête de la Présentation de Jésus au Temple à Rome
1997 : Jean Paul II au Brésil

Jean Paul II en 1997

C’est en 1997 que le pape Jean Paul II inaugurait la première Journée de la vie consacrée. Dans le message qu’il écrivait pour l’occasion, il fixait trois objectifs : remercier le Seigneur pour le grand don de la vie consacrée, qui enrichit et réjouit l’Église, mieux faire connaître et apprécier la vie consacrée au peuple de Dieu tout entier. Enfin, inviter les personnes consacrées à célébrer ensemble et solennellement les merveilles que le Seigneur a accomplies en elle. En fait, cette journée devait développer une magnifique action de grâce.

Ce 2 février, alors que le pape François s’est déjà largement exprimé sur le sens de cette journée, prononçant l’homélie devant des milliers de personnes consacrées – prêtres, religieux et religieux ou laïques –, c’est un texte très personnel qu’il a délivré. Partant de la contemplation de Marie qui marche avec l’Enfant-Jésus dans les bras, lui qu’elle introduit dans le Temple, le portant ainsi à la rencontre de son peuple, François contemple la Vierge qui marche, mais aussi et surtout, le Fils qui marche devant elle. « Elle le porte, mais c’est Lui qui la porte ».

Avec l’homélie, tous ceux qui sont à Saint-Pierre entrent eux aussi dans le mystère de la vie consacrée : la suite du Christ… mais en se laissant conduire, ou plutôt porter par Lui. Il faut sans doute être entré déjà soi-même sur ce chemin pour accepter d’entendre le renversement constant qui est souligné. À la suite de Jésus, il s’agit de se mettre sur le chemin de l’obéissance, imitant le Seigneur qui, en faisant sienne la volonté du Père, s’abaisse jusqu’à l’anéantissement. Il est rappelé que, sur ce chemin, progresser signifie, comme Jésus, s’abaisser dans le service. Alors, fruit de la docilité et de l’obéissance, le Seigneur transforme celle-ci en sagesse. C’est la route suivie par Syméon et Anne et qui fait paradoxalement de ces deux Anciens des créatifs, créatifs dans la joie et la sagesse.

Ce 2 février, le même pontife qui appelle si souvent à un aggiornamento de la vie consacrée et qui rappelle ici que tout véritable aggiornamento « est oeuvre de la sagesse, façonnée dans la docilité et l’obéissance ». Et François ajoute que nous touchons ici à la différence entre le consécration et sa caricature: « une sequela sans renoncement, une prière sans rencontre, une vie fraternelle sans communion, une obéissance sans confiance et une charité sans transcendance ». C’est paradoxal ? Oui, mais tous ceux qui étaient lundi à Rome sentaient que ce paradoxe est celui qu’appelle toute suite authentique du Christ.

Prophètes dans un monde qui dort

Le 30 janvier dernier, avant la Journée de la vie consacrée qui prend un relief particulier cette année, CTV, le centre de télévision du Vatican a diffusé quelques minutes de magazine en avant-première de l’Eucharistie célébrée par le pape François le 2 février, et dont nous parlerons demain. C’est une occasion privilégiée de découvrir un homme qu’on connait somme toute assez peu : son Éminence le cardinal João Braz de Aviz, préfet de la Congrégation pour les instituts de vie consacrée et les sociétés de vie apostolique, la CIVCSVA. Il est la cheville ouvrière de l’année que nous vivons.

Prophètes pour un monde qui dort donne la parole au cardinal Braz de Aviz et on pourrait dire que la figure qui transparaît à travers ces quelques secondes d’interview révèle beaucoup de l’humanité de celui qui parle. C’est pourquoi,  même si on ne comprend pas l’italien, il n’est pas inintéressant de regarder cette vidéo : le visage expressif du cardinal permet presque de suivre la traduction de ses propos qui donnée ci-dessous.

Le préfet de la Congrégatiion

Le préfet de la Congrégation : explications

Tout d’abord, le préfet de la Congrégation rappelle que s’il veut les religieux « pauvres, chastes et obéissants, il les veut…

« … plus encore, capables de ‘prophétie’ dans un monde souvent sourd. Dire cela nous a vraiment donné de la force intérieure. Qu’est-ce que la prophétie ?

 

Des mains expressives

Recueillement

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Le pape le dit explicitement : c’est l’annonce des valeurs qui sont du Royaume des cieux. Ce n’est rien d’autre. Et tout ce qu’il a annoncé comme étant du Royaume de Dieu, nous devons le transporter de l’éternité sur  la terre, dans le temps et dans l’histoire. Ce n’est pas une tâche facile parce que nous restons avec un cœur pareil à celui de l’humanité – et nous devons être ainsi. Mais il s’agit de vivre avec ces valeurs qui sont les valeurs authentiques de la vie humaine, chrétienne… et divine »

 

C’est bien de là que découle l’exigence impérative du pape François envers les religieux du XXIe siècle : « Réveillez le monde »  et surtout, ajoute-t-il : « soyez des personnes joyeuses ». Le cardinal Braz de Aviz appuie alors :

La felicità...

La felicità...

« …Alors, la demande peut-être fondamentale qui vient est : Dieu les rend-t-il heureux ou ne les rend-il pas heureux ? Comment est ce bonheur? Avec ce visage ? Ou bien pouvons-nous avoir un visage allègre en résultat de notre suite du Seigneur ? Peut-être en raison de la joie intérieure…
C’est quelque chose que nous devons redécouvrir avec force. Je vois beaucoup de religieux avec un visage nouveau : souriant. »

 

Il n’est sans doute pas besoin d’avoir tout compris pour sentir la joie intérieure qui peut habiter le cardinal João Braz de Aviz, préfet de la Congrégation pour la vie consacrée. Merci au Centre de Télévision du Vatican de nous permettre de partager cette vidéo.

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